Être conseiller en voyages au temps de la COVID-19 : une agente témoigne
- Opinions
- 18-03-2020 16:13
- Antoine Stab

Conseillère en voyages chez Voyages Belaro à Mirabel, Marie-Soleil English est également blogueuse.
Sur son site internet, mariesoleilenglish.com, elle a récemment publié un texte sur la situation qu'elle vit en tant qu'agente de voyages, son quotidien face à la crise de la COVID-19, ses réflexions sur l'avenir de la profession et de l'industrie du voyage.
« Lorsque je vis une situation, j'écris sans filtre. Et puisque je suis dedans la réalité à 100 miles à l'heure depuis les derniers jours, j'ai été simplement inspirée pendant que j'étais en attente chez un fournisseur. », explique-t-elle à PAX.
Nous reproduisons ci-dessous son texte avec son aimable autorisation, avec la certitude qu'il parlera à tous les conseillers en voyages qui vivent des heures difficiles en ce moment.
LIRE PLUS : Tout ce qu'il faut savoir sur la COVID-19
La réalité de la COVID-19.
Des nuits blanches, des clients mécontents à gérer, des propositions absurdes des tours opérateurs, des heures d’attentes incalculables en ligne, des réponses pas claires qui changent aux heures, des milliers en revenu qui s’évaporent sous mes yeux, rendant mon travail acharné et dévoué malgré la crise, complètement bénévole.
Le bénévolat, ça fait du bien à l’âme quand tu fais du bien aux gens, mais être bénévole devant cette situation qui dégénère et se désinforme sans arrêt, c’est un stress indescriptible. Surtout quand je pense à ce qui viendra après.
Qu’adviendra-t-il de ce métier qui animait ma passion ? Qu’adviendra-t-il du tourisme au-delà de ses frontières fermées ? La terre est en pause, mais ce monde qui vivra sa convalescence au jour le jour et dans l’incertitude, c’est ma source de revenus.
Je ne suis pas un service essentiel, donc personne ne me lancera de fleurs pas plus que de recours, mais c’est drôle, je ne suis pas chez moi à faire revivre mes jeux de société, ni en train de faire des cabanes avec mes enfants, ni enroulée dans les couvertures devant un marathon Netflix.
Non, je suis là, fidèle au poste. J’encaisse les coups, aux noms de tous ces fournisseurs qui ne me paieront pas, mais parce qu’ils perdent eux aussi. L’industrie a mal, je vous le confirme.
Je ne veux pas faire pitié, mais je réitère que malgré la quarantaine qu’on se doit de tous respecter, je vous demande de rappeler à l’ordre votre savoir-vivre. Soyez indulgents, patients et compréhensifs. Je ne suis pas l’instigatrice de ce virus. Je ne suis pas l’assurance qui ne vous couvre pas. Je ne suis pas votre carte de crédit. Je ne suis pas l’office de la protection du consommateur ni le journaliste qui t’a mis une puce à l’oreille. Je ne suis pas la compagnie émettrice du service. Je n’ai pas de pouvoir sur les décisions gouvernementales. Je n’ai pas non plus de pouvoirs divins pour te dire ce qui arrivera dans deux mois.
Je suis l’intermédiaire qui se bat pour toi, de plus en plus bénévolement et devant un néant absolu, pour que toi tu sois guidé et pour que toi, tu perdes le moins possible un sou de tes projets de voyage annulés dans cette situation hors de mon contrôle. Il n’y a plus de règles, chaque dossier se gère un cas à la fois. Je suis celle qui a ramené au pays, ton ami, ton père ou ta sœur en urgence devant la crise et qui a géré l’inquiétude de ceux-là en gardant son sang-froid. (…)
Je crois que l’industrie revivra, mais jamais elle ne sera comme ce qu’on a connu.
Les choses changeront, du moins pour ceux qui survivront à cette crise. On ne sait pas quand, ni comment, mais j’ose partager un message d’espoir à toutes les agences du monde. À ces conseillers en voyages de partout qui travaillent d’arrache-pied depuis les derniers jours en sachant très bien ce qui sera perdu et ce qui ne sera plus vendu.
Nous ne sommes plus compétiteurs, nous sommes tous sur le même bateau.
Nous sommes ceux qui par le voyage, ont réalisés des milliers rêves. Nous sommes ceux qui ont organisés des milliers de mariages dans des endroits toujours plus magnifiques. Nous sommes ceux qui ont fait voyager des gens en phase terminale qui n’avaient comme seul souhait de voir la mer, une dernière fois. Nous sommes ceux qui ont ouvert les portes sur les peuples et leurs coutumes à travers le monde. Nous sommes ceux qui ont guidés et rassurés des voyageurs inquiets à toute heure du jour ou de la nuit. Nous sommes ceux qui par passion et amour du métier, continuerons de vous servir, prêts à affronter n’importe quelle crise. Ne nous laissons pas abattre par la négativité.
Nous sommes conseillers en voyages.