

Jean-François Venne
Journaliste spécialisé dans le domaine des affaires, Jean-François Venne a écrit pour quelques-unes des publications les plus prestigieuses au pays depuis les 15 dernières années, dont Radio-Canada, Le Devoir et Protégez-vous.
Cette réflexion devrait s’effectuer en continu, pas seulement lorsque l’entreprise se retrouve en crise. Elle passe d’abord par une cueillette de données auprès de ses clients pour bien comprendre l’évolution de leurs besoins et de leurs préférences. Cela peut se faire par quelques questions lors des transactions, par des sondages, par des groupes de discussion.
Peu importe la méthode, il importe de bien cerner ce que l’on veut savoir et surtout d’intégrer ces données à sa réflexion.
« La recette du succès d’aujourd’hui ne sera pas nécessairement celle de demain : le modèle d’affaires et la proposition de valeur doivent évoluer pour assurer la croissance et éviter de devenir obsolète », prévient d'entrée de jeu Suzanne Breton, directrice principale et experte en stratégies et modèles d’affaires à la firme Raymond Chabot Grant Thornton.
Il faut aussi regarder autour de soi.
« Une entreprise n’évolue pas en vase clos, rappelle Suzanne Breton. Elle doit faire une vigie continuelle du marché. »
De nos jours, cette vigie ne peut plus se limiter à sa région, son pays ou son industrie. La concurrence est mondiale et transversale. Suzanne Breton suggère de fonctionner en entonnoir. D’abord, on suit les grandes tendances, qui ne sont pas nécessairement propres à notre industrie. L’arrivée des Expedia et Airbnb, par exemple, a été le fruit de l’évolution d’Internet et non de l’industrie du voyage. Ensuite, on avance dans l’entonnoir et on observe la concurrence plus directe et l’évolution de ses modèles d’affaires, les habitudes de consommation des clients, etc. Plusieurs dirigeants tardent à réfléchir à leur modèle d’affaires, soit parce qu’ils sont trop pris avec la gestion quotidienne ou parce qu’ils voient cela comme un trop gros morceau.
« Il faut démystifier l’évolution du modèle d’affaires, croit Suzanne Breton. On peut procéder par étape et en douceur; ce n’est pas toujours une rupture drastique. »
La planification mène au succès
Le changement du modèle d’affaires ne concerne pas que l’entrepreneur ou les dirigeants. Les clients, bien sûr, peuvent être touchés, mais les employés, les fournisseurs et les partenaires commerciaux aussi. Il faut donc bien planifier l’exercice.
« Ce n’est pas une transition instantanée; cela peut prendre des mois, parfois plus », explique Robert Bastarache, conseiller stratégique à Innovaction Stratégies.
Il admet que les dirigeants sous-estiment régulièrement la lourdeur du processus et sa durée. Ils ont aussi parfois une vision limitée des changements possibles.
« Le modèle d’affaires ne se réduit pas à ce que le client voit, mais inclut aussi la logistique, l’expertise, la culture organisationnelle, l‘organisation du travail, les systèmes informatiques et bien d’autres choses encore », précise-Robert Bastarache.
L’ampleur que peut prendre le processus de changement du modèle d’affaires est une autre bonne raison de s’y aventurer lorsque l’entreprise va bien et dégage des profits, plutôt que lorsqu’elle perd des parts de marché ou voit sa survie menacée par un modèle perturbateur. Cela permet notamment de tester de nouvelles idées dans un climat serein, avec des reins plus solides financièrement.
« Il faut aussi savoir bâtir sur les forces de l’entreprise et s’assurer de contenir les coûts dans le processus de changement, ajoute Robert Bastarache. En menant cet exercice de façon continuelle, on devient meilleur, on répartit les coûts et on se donne le droit à l’erreur. L’entreprise se transformera graduellement et n’en sera que plus solide. »
Trois entreprises qui ont oublié de se transformer
Kodak
Kodak ne s’est pas ajustée à l’arrivée des caméras numériques, craignant de nuire à la vente de pellicules, le produit qui lui rapportait le plus.
Blockbuster
L’entreprise de locations de films et jeux vidéos comptait 84 300 employés et 9 094 magasins en 2004, mais n’a pas su pivoter vers un modèle numérique.
Sears
Son catalogue a été une vraie révolution dans la vente au détail, mais Sears n’a pas su s’adapter pour résister d’abord à Wal-Mart, puis à Amazon et au commerce électronique